Jour 75 – 29 Mars
C’est drôle, depuis deux mois et demi nous sommes dans un néant d’horaire, un flou de journée et de date; même les indications à cet effet dans l’entête de nos récits ne nous atteignent plus. Ils sont des repères qui ne relient à rien dans le calendrier de nos vies. Il nous faut vraiment porter attention et nous concentrer pour relier le jour et la date à quelque chose de concret. Malgré ça, pour la première fois depuis longtemps on a vraiment l’impression d’être la fin de semaine. Il n’y a rien de changé, on ne voit pas plus de gens et rien n’est différent des autres journées, mais on a quand même une sensation différente. Bizarre!
En parlant au téléphone ce matin, Charles a pu admirer deux lézards non-identifiés se balader tranquillement autour de la maison. Ils se faisaient des festins avec des feuilles deux fois grosses comme leurs têtes et prenaient le soleil doucement. À l’opposé de nous, eux ont compris l’art de ne rien faire au soleil et de se la couler douce.
Il faut croire que c’était la journée de la mangeaille parce qu’en revenant de la plage ce midi, on a vu de très près (10 pieds) un vautour se faire un snack d’un poisson mort. Il avait l’air affamé et n’a vraiment pas semblé dérangé par notre passage si près de lui. Il avait probablement compris qu’on ne voulait rien savoir de son lunch puisque celui qu’on avait mangé était beaucoup plus frais!
Après la sieste, on avait promis aux enfants d’aller se baigner dans la mer et de jouer dans les vagues. Comme il était tard, on a hésité, mais on est quand même parti pour la baignade avec nos affaires de coucher de soleil (drinks et paréos anti-moustiques). Ce fut un moment magique. La baignade au coucher de soleil fut délicieuse, tant pour rafraîchir nos corps sur-sollicités par la chaleur que pour remplir nos yeux d’une douce lumière rose et bleue. Le ciel, les vagues et le couché de soleil nous ont comblés, encore une fois. Quand on ne voit presque plus le soleil, on joue à savoir s’il va disparaître avant, pendant ou après la prochaine vague. Sublime!
En revenant de la plage, on a rencontré Xinia. Comme on avait déjà fait notre souper et qu’on en avait pour les fins, les fous et les autres, on lui en a donné deux portions pour elle et son amour de Walter. Elle est revenue nous porter notre bol quelques minutes plus tard, seulement après l’avoir rempli de morceaux de canne à sucre, coupés et prêts à manger. En fait, dans sa grande générosité, elle nous avait donné un bâton d’environ six pieds de canne à sucre il y a quelques jours. On s’en était chiqué un petit bout, mais on n’avait pas vraiment saisi le principe (notre machette et notre couteau de cuisine n’étaient pas aiguisés non plus à ce moment !). Dire que Marie-Claude a déjà visité une usine d’extraction de canne à sucre au Nicaragua… la honte rejaillie sur elle! Alors, quand Xinia s’est aperçue que la canne trainait toujours sur notre clôture extérieure elle a bien compris que nous étions des néophytes de la canne à sucre et nous a expliqué comment la préparer. Quand elle a senti notre désarroi devant ses explications en espagnol, elle à tout bonnement repris la canne en nous disant qu’elle allait nous la préparer. Et heureusement parce qu’on serait jamais arrivé à ce délice. C’est comme planté un japonais à côté d’un érable à Baie-du-Fevbre au printemps, lui donné un chalumeau et espérer qu’il se concocte une canne de sirop d’érable. Pour le dessert on s’est donc fait un délice de ces bâtonnets de fibre, desquels se dégagent une odeur subtile et qui regorgent d'une eau légèrement sucrée et douce. On a tous beaucoup apprécié. Encore une preuve que la clef au bonheur de notre séjour ici passe par la voisine; lourde responsabilité pour l’affable Xinia!