jeudi 16 avril 2009

L’aventure, c’est l’aventure! Histoire singulière des biscuits verts...

Jour 90 – 13 Avril


Qui dit jour 90, dit expiration du visa de touriste et obligation de sortir du pays pour renouveler nos visas. C’est donc fort de tous les conseils glanés ici et là (parce qu’ici tout le monde a plusieurs histoires de renouvellement de visa) que nous avons décidés de partir pour le Panama! La journée a commencé à 5h50 quand les enfants se sont réveillés. Puisque tout, dans la vie, est une question de perspective, on leur a fait plaisir et on leur a donné la permission de se lever. POUahhhh! En fait, c’était eux, nos réveille-matins et si on leur avait dit qu’on devait se lever à cette heure, c’est clair qu’ils se seraient levés à 8h, juste parce que c’est une loi de Murphy.

Après un déjeuner en vitesse et un matin fort écourté, on a réussi à partir à l’heure pour prendre l’autobus à 200 mètres de la maison à 7 h10. Déjà là, c’était tout un exploit, car chaque parent sait que, avec des enfants, tout départ est un arrachement. On a attendu deux grosses minutes et notre autobus est arrivé. Le Limon-Sixaola directe. Directe parce qu’il ne fait pas la boucle de Puerto Viejo et que le trajet prend donc 1h30 au lieu de 2h. Déjà à cette heure le bus était bondé! Marie-Claude qui avait Romane sur elle s’est fait offrir une place et s’est donc entassé avec Colin entre ses jambes, mais Jules, Marine et Charles respiraient dans le cou du chauffeur. Plus l’autobus progressait vers Bribri, à mi-chemin entre Cahuita et Sixaola, plus l’autobus se remplissait! Charles a donc abandonné Jules et Marine à l’avant pour faire de la place en quittant vers l’arrière. D’abord, collé à un sympathique moustachu en bottes à vêler avec un casque de construction et une machette, il a été encore repoussé vers le gars qui écoutait de la musique tout haut dans l’autobus avec son 50lbs de patates à côté de lui pour finir complètement dans le fond à côté de deux gorlots qui avaient décidés qu’ils ne cédaient pas aux requêtes du chauffeur et qui donc refusaient de faire de la place pour les gens devant et qui, en plus, se plaignaient de la chaleur! Tout à coup, une petite voie franche à un ton clair, que tout le monde peut capter dit : « ahhhhh, mamaaannn, pourrais-tu dire aux gens de débarquer la prochaine fois que l’autobus arrête parce que moi là, je suis très coincé». Oui princesse, on va demander à tous ces honnêtes gens qui s’en vont travailler de libérer l’espace pour les gringos en quête de tampons sur leur visa! Une chance que c’était un début de journée et que personne ne sentait le petit canard à la patte cassé. Quarante cinq minutes plus tard, à Bribri, l’autobus s’est vidé et le reste du voyage fut sans histoire et nous étions confortablement assis dans un siège.

En débarquant à Sixaola, c’est d’abord la désolation qui frappe : un champ de bouette et de gravier avec quelques magasins épars (qui vendent des bottes de rubber, des sacs à dos et des robes de pâques pour enfants) et une école. Une fois les chapeaux mis et les sacs organisés, on a entrepris une courte marche à travers le village et dans une montée de ciment menant au fameux pont.

Les villes frontalières de Sixaola et Guabito sont séparées par la rivière Sixaola au dessus de laquelle tient miraculeusement un pont centenaire délabré au possible. Les madriers recouvrant la structure de fer rouillée sont mal attachés ou carrément absent, les gardes corps, pour ce qui en reste, sont d’un carrelé énorme et dans un état qui ne se raconte pas et plusieurs sections sont tout simplement manquantes. De chaque côté de cette haute emblème d’ingénierie centraméricaine, se situent les deux bureaux d’immigration et de douanes des pays limitrophes. Il y a très peu de circulation sur ce pont, seulement de rares autobus et d’encore plus rares camions s’y risquent; les voitures ne pouvant quitter leurs pays respectifs sans autorisation de la capitale (10 heures de route au Panama et 4 heures au Costa Rica) on en voit donc que très rarement traverser.

Arrivé en haut de la montée, on s’est fait accoster par trois chauffeurs de taxi qui voulait absolument nous aider et nous conduire où on voulait. Préoccuper par ce qui nous attendait, on les a revirés promptement. On s’est arrêté au bureau d’immigration du Costa Rica où un pas-fin-suiffeux-en-forme-de-poire-mal-mûrie nous a expliqué qu’on ne pouvait pas revenir dans son beau pays avant 3 jours! Marie-Claude s’est forcée pour avoir l’air niaiseuse et gringette au possible, mais le gars lui a redonné tout le baratin du trois jours. En quittant, Charles lui a lancé un « mas tardes » délibérément malhabile et le gars a failli manger les boutons qui lui sortaient dans la face! On s’est ensuite payé la traversé du pont, en silence et complètement absorbés dans nos pensées sur ce qui venaient de nous arriver. En deux minutes, le twitt venait de péter notre bulle. On ne voulait pas se rendre à l’évidence que trois jours au Panama, loin de notre paradis fraîchement retrouvés nous attendaient.

De l’autre côté du pont, on s’est farci une ligne d’une heure et demie (moins de 20 personnes se trouvaient devant nous!) au gros soleil, pour faire étamper nos passeports par le Panama. Mais avant ça, il a fallu courailler deux billets d’autobus Panama-San José (à 11U$ chacun) pour prouver qu’on allait quitter le pays, un must de la loi panaméenne (même si c’est clair que ce n’est pas avec ça qu’on allait ressortir!) et des cartes de touristes (5U$ par personne, pis les enfants itou). Une chance, la baboune de service n’a pas bronchée et a pris un bon dix minutes à coller sa grosse étampe dans les pages vierges de nos jolis passeports bleus.

Ensuite, on s’est fait envahir par un dude énervé, et énervant, qui sentait l’alcool et qui voulait nous mettre dans un taxi pour Changuinola, la ville la plus près, pour 5U$ par personne : trente dollars pour les six. Après lui avoir expliqué qu’on ne paierait jamais ce prix là et qu’on voulait un taxi à moins de dix dollars, il nous a dirigé vers un bon samaritain qui lui nous a fait le voyage pour 8U$. N’empêche, buddy alcool s’est essayé de nous soutirer un pourboire pour ses bons services mais quand Charles lui a expliqué qu’on n’avait pas l’intention de couvrir son manque à gagner, il est parti en bougonnant. C’est triste mais on ne se fait pas des amis tout les jours!

La route d’une dizaine de minutes s’est fait sans problème, mais on était quand même toujours en quête d’une solution pour notre séjour au Panama et notre retour au Costa Rica. Le chauffeur nous a laissé sur la grande place des taxis, au milieu d’un brouhaha infernal et d’un concert de klaxons étourdissant. On s’est mis en marche vers nulle part seulement pour s’arrêter 20 mètres plus loin pour laisser Marine péter une coche de haut calibre dans le milieu du trottoir. En tant que parents, on s’est sérieusement mis à douter de notre intelligence et surtout, de nos moyens de nous sortir de la situation dans laquelle on s’était nous-même lancés.

Nous étions tétanisés. En dix ans, les situations semblables ont été des plus rares. Nous étions absents. On se regardait en espérant que l’autre trouve la bonne chose à dire et surtout à faire. Les enfants voyaient bien que ça n’allait pas, mais eux aussi étaient léthargiques devant la réalité de notre ville d’accueil.

Changuinola, c’est pas laid. C’est ben lette; c’est lette en crisse! C’est comme une plaza St-Hubert géante, sans toît sur les trottoirs, et qui sent mauvais! Plein de cochonnerie, de déchets, de trous, de bosses, d’autos, de camions, de pick ups qui klaxonnent et qui roulent vite. Les magasins ne vendent qu’une chose : de la marde. Rose, bleue, en plastique, en métal ou en tissus, juste de la marde! Partout, du monde qui nous regarde comme si on était les seuls blonds aux yeux pâles qu’ils n’aient jamais vus de leur vie. Cet endroit est triste à mourir. Pleins de petits garçons quêtent en se promenant avec un nécessaire à cirer les chaussures dans des petites boîtes en bois. Rien à faire! Pas un parc, pas un espace pour s’arrêter pas un seul endroit où on se dit : « tiens, ce n’est pas l’idéal, mais on va arrêter ici pour tuer le temps et réfléchir ».

Réfléchir : on ne faisait que ça, mais chacun pour soi. Incapable des se faire une tête sur l’horaire et l’itinéraire : rester une journée, dormir une nuit, dormir trois nuits? Ici, à Bocas del toro (une heure plus au sud) ou ailleurs? Changuinola n’est pas belle, mais il paraît que Bocas c’est très joli, et en tout cas, plus touristique. Que faire? S’il vous plaît, un signe!

On a marché, ou plutôt erré. On est allé au guichet chercher de l’argent américain (monnaie officielle du plusse beau pays du monde dixit Isabelle Bergeron) et on a fini par s’asseoir dans un des restaurants qu’on a trouvé. On s’est pris deux assiettes de marde (quoi d’autre?) et on a essayé de souffler. Une heure plus tard, quand les parents ont réussis à émerger de leurs tracas, on a résolu de magasiner les chambres d’hôtel. On a donc remarcher la ville et on s’est arrêté dans deux hôtels cheaps, pour voir les prix et la disponibilité. Comme rien ne s’approchait d’un quelconque niveau d’acceptabilité, c’est totalement écœurés qu’on a décidé de s’essayer de rentrer chez nous.

Fort des nombreuses histoires de corruption qui peuplent les récits frontaliers et réconfortés par l’implacable logique que « si t’essayes pas, tu l’auras jamais! » on a repris le même taxi et refait la route vers la charmante (!!!) Guabito.

Sur place, on est repassé au bureau panaméen pour faire étamper notre sortie et on s’est refait le pont de la mort, toujours en silence et en proie à une réflexion qui ne laissait de place qu’à une angoisse difficile à dissimuler. La seule chose qu’on entendait était la litanie de requêtes d’un petit garçon qui nous suivait pour quêter. Arrivé au bureau d’immigration du Costa Rica, le même suiffeux était toujours au poste. Merde. Oh, mais cette fois il est accompagné d’un autre agent à qui on avait appris à sourire.

En lui tendant nos passeport, on voyait que l’autre suiffeux (qui était plutôt furax de nous voir revenir – 2 gringos adultes et 4 blondinets ça ne passe pas inaperçu ici !) lui racontait qu’il nous avait vu le matin mais surtout qu’il nous avait déjà expliqué qu’on ne pouvait rentrer aujourd’hui. On lui a expliqué que oui, on voulait bien rester trois jours au Panama, mais qu’on n’avait pas trouvé rien pour nous loger, ce qui n’est pas faux, au demeurant, dans la ville du bonheur qu’est cette merveilleuse capitale internationale de Changuignoshit (mais ça c’est de la B.S.). Et bla bla bla et on fait pitié avec des enfants laids et difformes et gna gna gna… Le suiffeux a crié bord en bord de la vitre qu’il ne voulait rien entendre de nos excuses et qu’on n’essaye pas, qu’il nous avait prévenu, et ainsi de suite. Une chance, l’autre gentil nous a dit de rester en retrait et d’attendre. Une fois passée la file de gens qui nous suivait, le gentil a fait signe à Charles d’aller le rejoindre dans le bureau, en passant par derrière.

Puis là, le même baratin sur les trois jours et que je te répète que la loi c’est la loi et que ci et que ça. Charles a donc expliqué au gentil que si trois jours étaient vraiment nécessaires, on irait à Bocas del toro, mais qu’on réserverait de la maison, en magasinant sur internet et qu’on ne se ferait pas chier dans la dump au bout du chemin et qu’on reviendrait demain si vraiment, on ne trouvait pas un autre moyen de régler la situation. Là, les yeux du gentil se sont éclairés. Il s’est mis à parler très vite en espagnol et Charles n’a rien pigé jusqu’au moment où, en levant sa main, l’index et le pouce du monsieur se sont frottés doucement. Charles a dit : « cuento? ». Le gentil a fait semblant de ne pas savoir que 6 fois 20 fait 120U$. Charles a sorti de sa poche une pile de six billets verts déjà prêts à l’action (des gringos prévoyants quand même!), le gentil les a compté et lui a demandé de retourner attendre.

À l'extérieur, Marie-Claude, affairée à faire vraiment pitié avec les enfants, les avaient assis pas terre, en ligne et leur distribuait des biscuits en guise de collation. Elle a proposé d’offrir des biscuits à nos nouveaux amis de l’immigration, tout à coup que ça pourrait aider… Charles a alors lancé, comme pour annoncer la bonne nouvelle : « si tu veux, mais pour l'instant ils aiment vraiment les biscuits verts! » Nos éclats de rire nerveux ont été interrompus par le suiffeux, tout sourire, qui nous tendait nos passeports en demandant à Marine comment prononcer son nom en français, et toi, colin, et bla, bla bla… Un peu plus et ils nous invitaient pour un BBQ! Le gentil nous a envoyé la main et on est revenu au Costa Rica avec nos beaux visas de touristes de 90 jours! Nous avons redescendu la montée qui mène au village en se défaisant de deux chauffeurs de taxi qui voulaient encore notre bien et on s’est garroché à l’épicerie pour s’acheter deux king cans d’imperial qu’on a bu dans les rues désertes en attendant l’autobus!

D’un coup, tout le stress est tombé, le silence est revenu et on s’est mis à rire pour rien! La sieste dans l’autobus fut un signe que la journée fut ennuyeuse mais chargée d’émotions. On est débarqué à Cahuita pour acheter du tonic pour l’apéro et on est rentré à la maison dans le taxi de notre ami René qui a bien rit de notre perception de Changuinola. Dans la piscine, avant le souper, il était difficile de dire qui des enfants ou des parents était plus heureux de la tournure des événements, mais même si on s’est tous couchés tôt et lessivés, on savait que notre réveil serait chantant de bonheur dans notre merveilleuse maison de la ravissante Cahuita!

Après 4 heures de bus et 5 heures au Panama, maintenant, place à un dernier mois de pura vida! Et si la vie est bonne et généreuse avec nous, nous pourrons un jour, dans un prochain voyage, découvrir Panama City, le canal, Bocas del Toro et tous les trésors et les beautés que ce pays a à offrir! En attendant, on a promis au suiffeux de ne pas retraverser la frontière !




4 commentaires:

  1. Salut la smala!

    WoW!!! j'ai tellement ri en lisant votre compte-rendu délirant de l'expédition au Panama! C'est un vrai délice! (vous devriez songer à en faire un roman -- sur ce ton-là, ça ferait un tabac!)

    Sérieux, suis très très admirative de vos talents d'impro en situation de tourisme extrême! Bravo! Et aussi des talents de négociateur de CO à l'immigration (fort de son expérience aux Douanes, peut-être?)!!!

    Finalement, fallait y penser : ce petit tour du poteau de l'aut' bord du pont vous a sans doute coûté bien moins cher (en $$$, en stress, en énergie), même avec une liasse de biscuits verts, qu'un séjour de 3 jours/3 nuits dans un hôtel miteux et une ville mer..., fussent-ils panaméens.

    Bon, savourez bien votre Imperial, la piscine, la douceur de la pura vida! Vous l'avez bien gagné, va!

    armande

    P.S. GRrrrrrrrrrrOS BISOUS aux petit-e-s et aussi au parents!

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  2. Mdr !!! je vous avait bien dit que de l autre cote du pont c etait DEGUEU !!!!!!!!!!!!
    La robe d indienne est faites !!! jetter un oeil sur le blog ......
    bonne soiree
    les voisins du colibri

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  3. Sandra, on comprend maintenant toute l'essence de l'expression « c'est crado » !!!

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  4. Je suis bien fier de vous. Je n'ai jamais douté de votre côté croche. Anyway, tous les douaniers sont corrompus.

    J-Marc.

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